MATABASE révolutionne la vision des éco-matériaux
Avec les Matabox, plus besoin de se rendre dans les showrooms pour être mis en présence des nouvelles matières innovantes. Elles viennent à vous. Sous forme de grandes boîtes rectangulaires en carton recyclé, ces présentoirs élégants et mobiles sont intelligemment fournis. En effet, leur contenu se renouvelle au fur et à mesure des inventions inédites et des créations nouvelles que Matabase sur le marché des matériaux. Cette particularité n’a pas manqué d’éveiller la curiosité du Matériaupôle. Rencontre avec Daovone Sribouavong, la créatrice de Matabase.
Nous venons à vous pour en savoir un peu plus sur Matabase et ses fameuses Matabox, ces grandes boîtes en carton pleines d’échantillons particuliers. Mais d’abord, vous pouvez commencer par vous présenter, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Daovone Sribouavong. J’ai 26 ans. Matabase existe depuis trois ans mais j’ai déposé les statuts juridiques en décembre 2014. Nous nous sommes constitués en Société par Action Simplifiée (SAS). C’était la condition d’obtenir des aides financières pour intégrer l’incubateur Paris pionnières. Nous avons déposé ces statuts, Thomas ortiz et moi, dans l’optique d’agrandir notre équipe. L’idée de monter cette structure m’est venue à la fin de mes études en 2012. Elle est née de ma propre inexpérience des/de mes lacunes sur les matériaux quand j’étais étudiante en architecture à l’EPSAA. Je me suis rendu compte à l’époque du marché potentiel que les écomatériaux pouvaient représenter et qu’il y avait toute une économie à construire, à inventer. Cela fait quatre ans que je travaille sur le sujet et tout reste à faire en matière de services et de référencements.
Quelle est votre activité principale ?
Il s’agit, avec Matabase, de promouvoir les matériaux écologiques dans les domaines du design et de l’architecture. Notre ambition est de développer une plateforme d’échange, d’achat/vente et de mise en relation ayant pour noyau, des matériaux éco-responsables, produits manufacturés ou d’occasion. Cet ambitieux projet est soutenu par le ministère de l’environnement grâce au programme GREENTECH dont nous avons été les lauréats. Nous allons bénéficier de fonds, d’un suivi et accompagnement puis d’une étroite collaboration avec l’Ademe.
Il faut apprendre à écoconcevoir
Vous évoquiez à l’instant vos lacunes en matériaux lorsque vous étiez étudiante. Pensez-vous que cela soit une généralité dans l’enseignement supérieur à propos de l’écoconception ?
Oui, je l’affirme. Nous avons une très mauvaise culture des matériaux dans nos formations professionnelles. C’est pour cette raison que Matabase intervient directement dans l’enseignement et l’éducation. Nous nous efforçons de concevoir et d’offrir aux étudiants de nouveaux outils pédagogiques afin qu’ils comprennent et apprennent à écoconcevoir avec des écomatériaux. J’avoue que c’est assez ambitieux mais notre volonté plaît. Nos premiers clients, qui sont des écoles d’architecture et de design, sont séduits par l’idée que nous puissions intervenir auprès d’eux comme des experts de l’écoconception avec la Matabox, ce service de matériauthèque que l’on propose en plus.
Pouvez-vous revenir sur votre produit Matabox ?
Nous avons créé Matabox dans le but d’équiper les écoles d’une matériauthèque physique. Avant de la lancer, nous avons effectué, pendant plus d’un an une veille sur les matériaux que nous avons choisi pour la constituer. Nous les avons judicieusement sélectionnés puis classés en trois catégories principales qui sont l’architecture, le design et la décoration. On a ensuite développé des sous-thématiques comme l’isolation, les textiles. L’idée est d’essayer de trouver des matériaux vraiment qualitatifs qui répondent également à des critères environnementaux et sanitaires. Ils doivent être sains, recyclés, durables, réutilisables, à faible consommation d’énergie grise. Nous avons fait du référencement le cœur de notre métier. A charge pour nous d’être identifié comme la passerelle entre le monde des fabricants de matériaux et les gens qui vont les utiliser, à savoir les concepteurs, qu’ils soient étudiants et/ou professionnels.
Pensez-vous qu’il soit envisageable que le monde du BTP en France change ses habitudes de construction et s’engage peu à peu dans l’utilisation de matériaux plus respectueux de l’environnement ?
Les choses changent, oui. Il y a tout de même beaucoup d’innovation, surtout dans les grands groupes. Cependant, j’aimerais apporter une précision. Mon intention est de tenter de désenclaver la frontière entre les grands groupes et les petits fournisseurs qui peinent à promouvoir leurs matériaux. L’idée est de créer des convergences, des liens un peu plus étroits et faire en sorte que les grands groupes se rendent compte qu’il y a aussi beaucoup d’innovations chez les petits fournisseurs de type TPE et PME. Nous devons réussir à créer des collaborations.
Par exemple, nous avons approchés une société qui fabrique des isolants à partir de matelas recyclés. Ce sont de tous petits fournisseurs qui le fabriquent. Ils sont à peine cinq dans une entreprise. Ils sont autant légitimes à être présent sur notre plate-forme que les grands groupes.
Nous allons désormais travailler avec l’Ademe, opérateur de l’État dans le cadre du programme Greentech pour lequel nous avons été lauréat, sur les enjeux de la transition écologique dans le bâtiment. De nouveaux décrets appuieront ce défi et les projets soutenus par la ministère pourront concrétiser ce changement.
L’écoconception, un secteur de niche
Comment parvenez-vous à trouver puis référencer ces petits fabricants ?
Notre veille est constante, en fait. C’est notre cœur de métier comme je l’explique plus haut. On fouille partout. La veille se fait sur l’ensemble de notre réseau en lien avec les matériaux, entre autre avec le Matériaupôle. Nous prospectons aussi dans les salons professionnels. Nous sommes en contact direct avec les exposants. Il faut savoir que le marché des matériaux est relativement petit. Il n’est pas aussi vaste qu’on l’imagine, mais ne se réduit pas seulement aux grands distributeurs comme Leroy Merlin, qui cible plutôt les particuliers. Le marché des professionnels est plus apparenté au secteur de niche.
Justement, vous vous en sortez comment économiquement parlant ?
Les secteurs de niches sont bien plus viables que les marchés classiques. On ne souhaite pas faire comme tout le monde. Je reste dubitative quant au modèle économique actuel. C’est tout de même assez particulier. Comparé à la concurrence qui possède des bases de données de matériaux privés et seulement accessible par abonnement, nous avons voulu créer un fichier de contacts totalement open data. Au vu de la gratuité du service offert, il favorise une meilleure visibilité aux fournisseurs avec lesquels nous travaillons. Les fabricants enregistrés sont satisfaits de la démarche. Nous avons mis en place un principe d’échanges avec eux : on leur offre une visibilité gratuite, en retour, ils nous donnent des échantillons, qui alimentent nos matériauthèques.
A qui s’adresse vos Matabox ?
Nous présentons nos boîtes de démonstration aux lycées et aux écoles supérieures, notamment d’architectures. Nous avons travaillé récemment avec l’école d’architecture de Belleville (Paris 19e) ou le lycée d’arts appliqués Auguste Renoir (Paris 18e). Des cabinets d’expertises thermiciens point info énergie), certains indépendants designers, architectes, passionnés d’écomatériaux m’achètent des collections. Notre clientèle est assez élargie.
A quel tarif peut-on trouver vos Matabox ?
Nous sommes actuellement en première phase de commercialisation. Les Matabox sont commercialisées depuis octobre 2015. Nos tarifs dépendent de l’abonnement ou de l’achat de la collection seule. Chaque boîte coûte environ 400 €, une collection compte 4 boîtes est à 1500 €.
Nos tarifs se justifient parce que nous appliquons une vraie démarche de veille active, comme je l’ai dit plus haut. Ce que nous proposons est un authentique produit évolutif. Dans le monde des matériaux, les fournisseurs innovent en permanence. Il y a donc un turn over important de nouveaux produits qu’ils veulent tester rapidement sur le marché.
Avez-vous un exemple de grand groupe qui a osé “changer” sa manière de produire ?
Interface, leader mondial des dalles de moquettes, est un très bel exemple de refonte radicale. Cette entreprise a complétement changé sa vision interne en choisissant de n’être que ecoresponsable en ne favorisant que les énergies renouvelables dans son processus de fabrication et c’est juste révolutionnaire ce qu’ils ont fait. Vraiment ! De ce point de vue-là, il y a des grands groupes qui veulent “verdir” leur image (excusez-moi du terme) mais c’est un peu ça : tenter de renforcer leur politique RSE (responsabilité sociale et éthique). C’est bien mais est-ce réellement sincère ? Le doute plane On ne sait pas si ils s’agissent de cette façon parce la RSE les y obligent ou est-ce réellement sincère ? Je me permets d’en douter. Et c’est ça qui est un peu dérangeant.
Que s’est-il passé pendant la COP21 ?
Nous avons animé des petites interventions dans des lycées. On s’est rendus compte qu’il n’y avait pas d’actions menées dans l’enseignement initial sur ces questions-là. Nous avons orienté notre démonstration de matériauthèque sur l’écoconception et les nouvelles méthodes de conception et de fabrication. Cela nous a permis de rencontrer une bonne centaine d’étudiants.
Pourquoi intervenir auprès des étudiants ?
Parce que ce sont eux qui vont changer la donne. J’en suis convaincue. Mais si la jeune génération n’est pas sensibilisée, éduquée a minina, qu’elle ne possède pas la culture de ces nouvelles approches à concevoir qui tient compte de l’environnement et aussi des répercussions sur notre santé, alors on n’y arrivera pas. J’essaie de faire autant que faire se peut auprès de ce public. J’ai quand même le sentiment que ça commence à changer. Je le vois à travers mon cercle proche qui est beaucoup en lien avec des activistes écologistes. Concernant les BTP, c’est sûr qu’il y a de l’innovation sauf que ça peine à être vraiment concret. Parce que ça prend du temps tout simplement. Et ce qui prend du temps, c’est le positionnement politique. Le monde de demain se construit maintenant. Il appelle à renverser un système obsolète, dépassé.
L’avenir de Matabase
Vous occupez actuellement Le Lavoir à Ivry. Mais d’être les lauréats du Grrentech ne vous permet pas de vous installer ailleurs ?
La fabrication des boîtes va continuer de se faire ici au Lavoir parce que tout notre stock est entreposé ici. Mais effectivement, nous allons emménager d’ici peu à l’incubateur GREENTECH du ministère de l’environnement situé à l’école Paristech de Champs-sur-Marne (77). Nous pourrons ainsi nous développer et bénéficier de locaux, d’un accompagnement de projet et d’un réseau de partenaires important.
La nouvelle équipe ? C’est-à-dire ?
Matabase fusionne avec un nouveau projet qu’on a développé en parallèle avec Alberto. Cette version 2.0 de notre association s’appelle http://reuse.fr/ (prononcez riouse, “réutiliser” en anglais). Une plateforme de revente de matériaux réutilisables. Ce sera une sorte de Bon Coin des matériaux.
Nous abordons un secteur nouveau dans notre activité, celui de la déconstruction. Cela va nous permettre d’approcher le marché des matériaux, ceux qui partent à la benne et qui manquent de visibilité pour retourner dans le cercle vertueux du réemploi. Ils leur manquaient cette plateforme numérique pour être référencés.
Quel intérêt d’être adhérente au Matériaupôle ?
Le premier avantage est de faire partie du réseau de l’association. Jusqu’ici, je n’ai pas pu en profiter pleinement mais Arnaud Bousquet m’adresse à des contacts à rencontrer pour faire avancer notre projet. Il m’a par exemple mis en relation avec le TechShop Leroy Merlin d’Ivry-sur-Seine, qui est désormais un client de Matabase, donc ça c’est super ! C’est certes un grand groupe mais qui va dans le sens de notre démarche. Le TechShop, c’est avant tout un énorme fablab, très engagé dans l’innovation. J’ajouterai également la mise en relation avec Suez environnement. Cela nous a permis d’entamer une table ronde intéressante sur une potentielle collaboration.
Que peut-on souhaiter à Matabase ?
Réussite et expansion pour l’entreprise et plus largement que le sujet de l’écoresponsabilité sensibilise davantage les jeunes.